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Cellules souches : la question éthique

jeudi 13 décembre 2012

La recherche sur les cellules souches embryonnaires pourrait déboucher sur des avancées significatives dans le domaine médical, que ce soit pour mieux comprendre les mécanismes des maladies, rechercher de nouveaux médicaments grâce à des modèles cellulaires des maladies ou développer aussi la médecine régénératrice. Cependant, pour pouvoir disposer de ces cellules, il faut préalablement les prélever sur des embryons, qui sont détruits au cours de ce processus. Cela pose évidemment beaucoup de questions d’ordre éthique et juridique, mettant en jeu une multitude de disciplines allant de la philosophie à la génétique.

Quel statut pour l’embryon ?

Un embryon peut-il être utilisé, voir créé, à des fins autres que la procréation ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord s’interroger sur le statut de l’embryon : comment caractériser un embryon âgé de 5 à 14 jours dont les cellules ne se sont pas encore « différenciées » ? Faut-il le considérer comme une personne, y compris au sens juridique du terme (c’est-à-dire comme ne pouvant faire l’objet, par exemple, d’expérimentations ou de commerce) ? Son intérêt propre peut-il être « mis en balance » avec l’intérêt de la société dans son ensemble ?

Diverses écoles difficilement conciliables s’opposent sur ce sujet. Pour certains, la valeur sacrée de la vie rend moralement inacceptable toute atteinte à l’intégrité de l’embryon pour des buts scientifiques. Pour d’autres, l’utilité des recherches (c’est-à-dire les bénéfices pour la collectivité) doit pouvoir primer sur le bien de l’embryon.

Un contexte scientifique incertain

L’une des difficultés de la question des cellules souches embryonnaires est que l’on ne connaît pas de manière précise les bénéfices que l’on pourra en tirer sur le plan applicatif, puisqu’il s’agit encore de recherche fondamentale : les premiers essais cliniques chez l’homme avec des cellules souches embryonnaires n’ont démarré qu’en 2010, sur deux maladies rétiniennes. On ne peut donc pas savoir a priori si la destruction des embryons concernés par les expérimentations se révèlera suffisamment utile pour le bien public, même si les résultats préliminaires des premiers essais cliniques révèlent des résultats encourageants en termes d’efficacité et de sécurité d’emploi.

De la même façon, dans certains cas, d’autres techniques médicales (par exemple celles utilisant des cellules souches adultes) pourraient aboutir à des résultats comparables. Les cellules souches embryonnaires, grâce à leurs propriétés d’auto-renouvellement à l’infini et de différenciation, étendent a priori le champ des applications des cellules souches. Mais là encore, des points de vue divergents sont exprimés, y compris à l’intérieur de la communauté scientifique.

La situation en France

En France, la loi relative à la bioéthique de 1994, se fondant sur le principe de respect dû au corps, a posé le principe d’une interdiction de la recherche sur les embryons. Cependant, en 2004, le parlement a introduit la possibilité de pratiquer des recherches, à titre dérogatoire, et en l’assortissant de certaines conditions :

- les recherches doivent être susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs ;

- elles ne peuvent être mises en œuvre que s’il n’existe aucune méthode alternative « d’efficacité comparable » ;

- elles doivent être conduites uniquement sur des embryons surnuméraires âgés de moins de 14 jours conçus dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation et ne faisant plus l’objet d’un projet parental, ou sur des embryons porteurs d’une anomalie recherchée dans le cadre d’un diagnostic pré-implantatoire ;

- elles doivent recueillir le consentement des parents, au terme d’une procédure complexe au cours de laquelle ceux-ci donnent plusieurs fois leur accord ;

- elles ne pourront faire l’objet d’un brevet ou d’une application industrielle.

C’est l’Agence de la biomédecine qui accorde les dérogations en fonction de la pertinence scientifique et des conditions de mise en œuvre.

La loi de bioéthique de 2011 a maintenu l’interdiction avec dérogations, mais le projet de révision de loi adopté par le Sénat le 4 décembre 2012 prévoit de quitter ce régime d’interdiction de principe (la recherche étant permise seulement sous dérogations), pour passer à une autorisation de principe, toujours assortie de conditions et sous le contrôle de l’Agence de la biomédecine.